Durant la période antique, le bouc-émissaire était sacrifié pour sauver le peuple fautif. Il entrait par la porte située le plus à l'est, traversait le lieu de culte et sortait par la porte la plus occidentale. Ainsi était-il purifié, prêt pour un nouvel emploi. Je ne sais pas où est situé la porte du vestiaire des arbitres au Stade de France mais, clairement, notre entraîneur national continue de charger M. O'Keefe de tous les mots, ainsi qu'en témoignent les derniers interviews. Façon insistante de lui montrer la porte de la sortie.
Que le siffleur néo-zélandais n'ait pas livré sa meilleure prestation ce jour d'octobre 2023 à Saint-Denis, nous en sommes tous conscients, et il n'est pas besoin de convoquer une armada d'analystes vidéo pour étayer ce sentiment : un peu d'observation suffit. Mais il ne fut pas le seul ce jour-là à officier juste au-dessus du niveau requis : le staff tricolore et quelques joueurs-cadres du XV de France - on ne citera pas leurs noms par charité - peuvent être aussi soupçonnés d'impéritie.
Ainsi donc, si l'on écoute Fabien Galthié, la date de péremption du dernier France - Afrique du Sud n'est pas dépassée puisqu'il nous sert encore ses justifications. Mais pour combien de temps encore ? Franchement, tout ce cirque médiatique commence à devenir gênant. Surtout pour lui. "Il gère sa com", m'envoie par sms un ancien international. "Il se fout un peu de notre gueule", ajoute un autre. Si quelqu'un s'est incliné, c'est d'abord Fabien Galthié. Le cerveau mangé par Rassie Eramus quatre jours avant le coup d'envoi, Eramus qui aligna sa deuxième charnière (Reinach-Libbock) pour laisser les premiums (De Klerk-Pollard) finir le travail. Aujourd'hui, malgré un tombereau de démonstrations rhétoriques, le XV de France n'a toujours pas gagné son quart, mais c'est l'ego qui perd Galthié.
Avant que les Tricolores - avec ou sans Dupont ? - ne retrouvent le Japon et la Nouvelle-Zélande à l'automne, les jeunes pousses françaises auront été toucher du doigt cet été l'âpreté du haut niveau international en Argentine. Je serais curieux de savoir ce que les Pumas pensent du peu de cas que nous faisons d'eux en leur jetant en pâture dans la pampa nos Espoirs, sorte de France B déguisée en tremplin.
Retour, donc, au Top 14. Ou plutôt au top 6, cette table ovale autour de laquelle douze clubs rêvent de s'assoir, jeu de chaises musicales qui ne manquera pas de fausses notes. En effet, la moindre défaite prenant déjà une ampleur démesurée, les polémiques vont éclore, assurant aux arbitres, ici aussi, le rôle pour lequel, à leur corps défendant, ils semblent éternellement condamnés : celui de bouc-émissaire. Ne dit-on pas de l'exemple vient d'en haut. Malheureusement, l'effet de ruissellement semble pervers.
Championnat de France, Coupe des champions et Tournoi des Six Nations femmes parviendront peut-être à nous aérer l'esprit. C'est à souhaiter. Pour ma part, vous l'avez senti, mon intérêt pour le jeu, et uniquement le jeu, ne cesse de me nourrir. A ce titre, j'ai aimé l'Italie, libérée par Gonzalo Quesada. Elle méritait mieux qu'une cinquième place dans ce Tournoi ouvert à tous les vents, le plus mauvais détournant un ballon frappé par l'infortuné Paolo Garbisi sur l'un des poteaux lillois. S'il n'était pas tombé au pire moment, ce ballon aurait changé la face du score et plongé le XV de France dans un abîme de honte et de détresse. Au lieu de quoi, une décision arbitrale aidant à Murrayfield et une autre crucifiant l'Angleterre au final ont offert au XV de France un bilan tout juste passable, transformé en deuxième place qui cache la forêt.
Comme aimait à le répéter le sage Henri Bru, l'arbitre est toujours convoqué en cas de défaite mais jamais dans la victoire. Sous l'angle ainsi fourni, nous avons encore un paquet de chroniques à rédiger avant de savoir si, à Sydney en 2027, un coup de sifflet nous sera enfin favorable. Espérons que d'ici là, le rugby que nous aimons et qui nous fait nous retrouver entre les lignes de ce blog nous aura proposé autre chose que de mauvaises justifications et des coupes d'amertume.